L’Etat du Sénégal se lance dans la lutte contre le crime faunique ! Le pays a réprimé pour la première fois aujourd’hui le commerce illégal des espèces protégées. Sous couvert du parquet, le mardi 20 mai 2014, lors de deux opérations mixtes composées de la Division des Investigations Criminelles (DIC), du Ministère de l’Environnement et du développement durable et du Projet SALF, deux trafiquants en possession de 388 objets d’ivoire d’éléphants ont été arrêtés en flagrant délit.
Cette opération est une première du genre au Sénégal et c’est le résultat du lancement de la collaboration entre les services de l’Etat et le projet SALF (Sénégal-Application de la Loi Faunique), porté par WARA, qui appui désormais le Sénégal dans la lutte contre le trafic de faune. Le SALF a été lancé fin 2013 à l’initiative de Charlotte Houpline, présidente de WARA, qui coordonne le GALF en Guinée et maintenant le SALF au Sénégal. Il s’agit de la 8ème réplication du modèle LAGA en Afrique. Le réseau EALGE (Eco-Activists for Governance and Law Enforcement) compte donc des projets opérationnels dans 8 pays africains.
Les objets saisis sont principalement des bijoux en ivoire. Eloi Sokoto Siakou, trafiquant de nationalité ivoirienne, a été arrêté en flagrant délit lors du premier raid en possession d’une grande quantité d’ivoire. Puis, moins d’une heure plus tard, l’équipe mixte a été redéployée pour procéder à l’interpellation d’un second trafiquant, Modou Sarr, un des fournisseurs de Siakou et propriétaire d’une partie des objets d’ivoire saisis. Après audition et mise en garde à vue, ils ont été déférés devant le Tribunal de Dakar et mis sous mandat de dépôt en attendant leur jugement. La valeur des produits saisis est d’environ 6 millions de francs Cfa.
Professionnels, suspicieux et bien connectés à l’international, de la Côte d’Ivoire à la France en passant par les USA, ils appartiennent à des réseaux de dealeurs avérés dans le commerce illégal d’espèces protégées. L’investigation menée par SALF a permis de comprendre leurs modes opératoires et leurs craintes des arrestations. Les éléphants sont intégralement protégés au Sénégal. La détention, la circulation et la vente de trophées d’éléphant, sont interdites par l’article L.32 du Code de la chasse et de la protection de la faune loi n° 86-04 du 24 janvier 1986. Les contrevenants peuvent être punis de peine allant jusqu’à 1 an de prison et d’une amende de 1 200 000 francs Cfa.
Il faut saluer l’effort et l’action remarquable des autorités sénégalaises qui ont contribué à la réussite de ces opérations. A travers ces actes, le Sénégal rejoint de nombreux autres pays d’Afrique dans la lutte active contre ce crime et se met désormais au rang des pays héroïques qui luttent pour sauver le patrimoine de l’Afrique. Cette première action a été fortement saluée et félicitée par la Communauté internationale et il faut espérer que les gouvernements étrangers continuerons à appuyer le Sénégal face à ce fléau.
Toutefois, la peine infligée à ces trafiquants a été contraire à ce que l’on attendait de la Justice sénégalaise. Car le Tribunal départemental de Dakar a infligé, ce vendredi 30 mai 2014, une peine plutôt faible. Ils ont été condamnés à trois mois d’emprisonnement dont un mois ferme et deux mois de sursis, ainsi qu’au paiement de 500,000 FCFA. Il est vrai que ce sont encore des délits mal connus par la justice sénégalaise mais la clémence du Tribunal est d’autant plus surprenante que l’article L. 32 du Code de la chasse et de la protection de la faune prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 1 an de prison.
Aussi, l’affaire a prouvé que les deux trafiquants connaissaient parfaitement la nature illégale de leur activité. Eloi Siakou Sokoto a ainsi déclaré : «Le commerce de l’ivoire rapporte beaucoup plus d’argent que les autres business mais je sais que c’est interdit et c’est très dangereux.» De même que Modou Sarr, qui a intentionnellement mentionné sur sa carte de visite «vendeur d’ivoire». Ils ont donc fait le choix de s’impliquer dans la contrebande de produits frauduleux en toute connaissance de cause et en dépit des lois sénégalaises. Sachant que la Loi faunique est appliquée dans d’autres pays qu’ils craignent, ils préfèrent opérer en toute illégalité et en toute impunité en territoire sénégalais. Rappelons que le commerce illégal des espèces est un crime organisé transnational. Il s’agit du 4ème commerce illégal le plus important au monde. Il représente environ 19 milliards de dollars de profit chaque année au niveau mondial. Il est le fait de réseaux criminels souvent puissants et organisés. Mais ce n’est que le début du combat au Sénégal !
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