Le 08 avril 2014, avec notre soutien une prise importante a été opérée à Kaloum en plein centre ville de Conakry. Trois présumés trafiquants de nationalité chinoise ont été arrêtés en flagrant délit de détention et de circulation d’importante quantité de cornes de rhinocéros et d’ivoire d’éléphants. Forts d’un puissant réseau de soutien au sommet de l’Etat, les trafiquants ont manœuvrés pour se soustraire de la justice. GALF a mené une rude bataille dans cette affaire qui est symptomatique de la difficulté de faire appliquer la loi dans un contexte de corruption généralisée en Guinée.
L’opération a été faite conjointement par le BCN d’Interpol, le Parquet, le Ministère de l’Environnement et le projet GALF, en présence de Mamadou Djan Boro Diallo, substitut du procureur de première instance de Kaloum et point focal national de lutte contre la criminalité faunique du Ministère de la Justice. Elle a été faite sur un chantier de construction d’un hôtel 5 étoiles – Hotel Kaloum- dont les travaux sont exécutés par une entreprise chinoise.
C’est une saisie inattendue car le rhinocéros n’est pas une espèce animale présente en Guinée ni en Afrique de l’Ouest. Les produits proviendraient de l’Afrique du Sud et les personnes arrêtées ont des fournisseurs étrangers. Une dizaine de cornes de rhinocéros et de l’ivoire d’éléphants, pesant un total de 20kg, étaient dissimulée dans la cuisine du chantier. Les cornes devaient être transformées en poudre. Les outils utilisés dans ce procédé ont été découverts sur place ainsi qu’un sachet de 500 grammes de poudre de corne. Il y avait aussi une quantité de concombres et de cheval de mer. Le trafic de cornes de rhinocéros est au cœur de la criminalité faunique mondiale. Un kilogramme de corne de corne de rhino peut se vendre jusqu’à 60.000 dollars US, soit deux fois plus cher que le kilogramme d’or. Il ne s’agit donc d’un syndicat bien organisé, la valeur des 20 kg saisis est estimable à 1 million deux cent mille dollars US (1.200.000 $).
Les trois présumés trafiquants interpellés sont tous des employés de « Shangai Constructon Group » (SCG), cette multinationale chinoise bien implantée en Guinée pourrait donc être une entreprise mafieuse. La SCG travaille sur plusieurs grands projets de construction dont celui de l’Hôtel Kaloum que ces employés ont clandestinement transformés en un lieu de transformation et de trafic de produits fauniques de haute valeur. Les personnes arrêtés, présumées auteurs de ces activités parallèles, occupent une place importante dans Shanghai Construction Group. Il s’agit de Xu Wei “Sam” (directeur du projet), Long Wenjian (interprète) et Wang Fuxing (comptable du projet). Chacun de ces trois trafiquants agissait à la fois pour leur propre compte et pour le compte du directeur général de SCG en Guinée. Selon la même source SCG entretient ce réseau de trafic de cornes de rhinocéros en Guinée depuis près de 2 ans. Ce trafic de cornes de rhinocéros pourrait être une importante source de revenu pour Shanghai Construction Group en Guinée. Après 2 ans d’activité illicite, cette seule saisie de cornes dont la valeur est estimée à 1 million 200 milles dollars représente environ 2% du coût global (60 millions de dollars) de réalisation du projet de construction de l’Hôtel Kaloum.
Nombre de manœuvres ont été faites pour torpiller la procédure judiciaire. Les personnes interpellées se sont catégoriquement opposé à la perquisition. Ils ont violemment riposté en s’attaquant aux officiers de police judiciaire venus exécuter le mandat. Ce comportement incivil en dit long sur leur mépris pour la loi et les autorités Guinéennes. Plus tard, il a été clairement établi que les personnes interpellées et le directeur général de SCG bénéficient de la protection totale de certains membres du gouvernement dont le Ministre de la Sécurité. Dès après leur arrestation, les prévenus ont été conduits à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Et quelques minutes après, le Ministre de la sécurité, Madifing Diané, en personne qui a fait une descente surprise à la DPJ. Il a est directement venu au bureau de l’agent du BCN d’Interpol en charge du dossier.
Ensuite, le Ministre improvise une réunion dans le bureau du chef du bureau central national (BCN) Interpol. Durant de longues minutes, le Ministre s’est entretenu à huis clos avec les responsables de la DCPJ et BCN. Paradoxalement, la seule personne étrangère qui a été admise dans cette salle de réunion était une femme chinoise qui est l’interprète du directeur général de SCG. Personne ne sait ce qu’ils se sont dit et les instructions données par le Ministre. Cependant, l’influence du Ministre de la Sécurité aura fortement pesé sur la procédure au niveau d’Interpol. Le même jour les prévenus ont été sortis de la garde à vue. En l’espace de 3 jours de garde à vue, ces libérations non autorisées par le parquet, sont intervenues à 3 reprises. Puis, le déferrement des prévenus au parquet du Tribunal de Première Instance a été délibérément retardé.
Le déferrement a finalement eu lieu ce 11 avril. Un autre fait inattendu : la police n’a déféré que 2 personnes. Le troisième prévenu en l’occurrence Wang Fuxing (comptable du projet) a été soustrait de la procédure. Et pourtant, seul le parquet ou le juge d’instruction avait la qualité de le libérer. La soustraction de Wang Fuxing de la suite de la procédure n’est pas anodine. Dans le procès-verbal de constatation d’infraction dressé par l’agent des eaux et forêts, ce prévenu a reconnu que la poudre de corne de rhinocéros saisie lui appartient. Il avait le procès-verbal le plus compromettant. En répondant à une des questions de l’agent verbalisateur il déclare: “Je sais seulement que le rhinocéros est un animal rare, très précieux.” En réponse à la question de savoir pourquoi cet animal est précieux selon lui, il déclare: “Parce que c’est très rare et bientôt l’animal va disparaître. Moi-même je connais les lois qui le protègent.”
Les dossiers ont été envoyés devant un juge d’instruction qui a mis les 2 prévenus sous contrôle judiciaire. A ce niveau également, il y a eu des irrégularités. Durant cette procédure qui a duré une journée, le directeur général de SCG était aux côtés de ses employés et il s’est même introduit dans le bureau du juge d’instruction pendant l’audition des prévenus en violation du secret d’instruction.
La communauté internationale s’est fortement réjouit de cette opération. La délégation de l’Union Européenne et l’Ambassade des USA ont exprimé leur soutien au gouvernement Guinéen pour la lutte contre le commerce illicite des produits de la faune et des animaux sauvages. Selon le communiqué spécial de l’ambassade des USA, “… le trafic des produits de la faune fait la promotion de la corruption, menace la paix et la sécurité des régions fragiles, renforce les voies de trafic illégales, déstabilise les économies et les communautés, et contribue à répandre les maladies.”
L’affaire est en instruction. Les regards sont tournés vers la justice qui doit se montrer forte en résistant à la corruption et au trafic d’influence. Si la justice fait preuve d’indépendance en appliquant la loi, les prévenus encourent une peine d’emprisonnement de 3 à 6 mois en vertu, notamment, de l’article 164 de la loi L/97/038/AN de 1997.
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